« Je suis heureux, fier et empreint d’humilité de me voir confier l’honneur de présider le Jury du Festival de Cannes cette année. Nul autre lieu dans le monde ne suscite un tel désir de cinéma lorsque le rideau se lève sur un film en Compétition. Quelle chance d’être là avec ces fins connaisseurs que sont les festivaliers de Cannes. Je pense sincèrement que la culture du cinéma traverse une période cruciale. Le cinéma est unique. On le partage. Regarder ensemble exige davantage à ce qui est montré et intensifie l’expérience. Cela nous renvoie quelque chose de tellement différent que cette dopamine sécrétée par le défilement des écrans individuels », a déclaré le futur Président Ruben Östlund à l’annonce de sa nomination.
En seulement 6 longs métrages, le cinéaste connait deux sélections au Certain Regard, dont il remporte le Prix du Jury en 2014, avant de faire son entrée en Compétition. À peine y figure-t-il que la Palme d’or lui est remise à deux reprises. D’abord pour The Square lors du 70e Festival de Cannes, puis, pour son film suivant, Sans Filtre, honoré l’an dernier.
Après des études de cinéma à Göteborg, il réalise en 2004 son premier long métrage, The Guitar Mongoloid. À la lisière du documentaire, le cinéaste y décrit les destins croisés de personnages marginaux dans une cité fictive ressemblant à s’y méprendre à Göteborg. L’humour comme outil de description sociologique se manifeste déjà.
Son court métrage suivant, Autobiographical Scene Number 6882, renferme tous les ingrédients de son œuvre à venir, qui s’affirment dans Happy Sweden, long métrage sélectionné au Certain Regard en 2008. Sa caméra se pose à bonne distance pour mieux observer les comportements humains : petites faiblesses et grands travers provoqués par les dynamiques de groupe sont alors disséqués jusqu’au malaise. Deux ans après, Incident by a Bank remporte l’Ours d’or du meilleur court métrage à la 60e Berlinale en scrutant les réactions des passants devant le braquage d’une banque. Son troisième long métrage, Play, présenté à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011, décrit le harcèlement entre différentes bandes de jeunes, et suscite un large débat de société en Suède lors de sa sortie.
Dans Snow Therapy, présenté au Certain Regard en 2014, cette situation prend l’aspect d’une avalanche où un père préfère se mettre à l’abri plutôt que de sauver ses enfants et sa femme : comment assumer l’après, avec la mauvaise foi et la peur de perdre la face ? Telle est la problématique que le réalisateur étudie avec une acidité féroce.
Ruben Östlund creuse ainsi le sillon d’une dialectique provocante qui fait sa signature : une situation initiale pose le cadre d’un examen sociologique où les bas instincts de notre humanité sont passés au crible d’un humour corrosif.
En 2017, dans The Square, il met en fiction une expérience artistique qu’il a menée dans son pays natal. Le film vient brillamment discuter les frontières de l’espace public, de l’art et de notre part animale.
Enfin, en 2022, Sans Filtre fait la chronique d’un bateau de croisière pris dans une tempête qui rebat, dans un grand charivari poussant à la nausée, les cartes de la lutte des classes dans nos sociétés occidentales.
C’est donc un cinéma sans concessions ni faux-semblants, appelant incessamment le spectateur à se questionner et l’art à continuellement se réinventer, que le Festival de Cannes salue en invitant Ruben Östlund à la Présidence du Jury.
Il devient ainsi, après Francis Ford Coppola et Emir Kusturica, le troisième cinéaste doublement palmé à devenir Président du Jury, et le tout premier à endosser ce rôle l’année suivant son sacre.
« En tant que Président, conclut Ruben Östlund, je rappellerai à mes collègues du Jury le rôle du cinéma. Un bon film se connecte aussi à l’expérience collective, il stimule la réflexion et donne envie d’en discuter. Alors, allons voir des films ensemble ! ».
Source : https://www.festival-cannes.com/fr/